Homélie du Dimanche des Rameaux 17 avril 2011 Par le Père Ludovic Frère, recteur du Sanctuaire

Publié le par Sanctuaire Notre-Dame du Laus (Hautes-Alpes)

HOSANNA, CRUCIFIE-LE !

 

C’est aujourd’hui la seule messe de l’année où nous proclamons deux Evangiles : le premier dehors, joyeux et lumineux, celui des Rameaux ; le deuxième, à l’intérieur, long et douloureux, celui de la Passion.

Dans le premier Evangile, la foule acclame Jésus en criant : « Hosanna ! » Elle est prête à suivre ce roi victorieux qui entre à Jérusalem. Dans le deuxième Evangile, la foule condamne : « crucifie-le ». Elle refuse de suivre un perdant, qui sera mis à mort en dehors de Jérusalem.

Ce renversement de la foule entre le dimanche des Rameaux et le vendredi de la Passion condense tout le paradoxe de l’esprit humain, tout le drame de notre histoire, toute la versatilité des foules soumises à influence. Il illustre également notre attrait malsain pour la violence, notre tendance aux changements d’avis au gré de nos intérêts du moment, et notre propension plus ou moins consciente à suivre celui qui semble le plus fort.

  


Mais ce dramatique changement de la foule, dans lequel nous pouvons reconnaître tant de nos attitudes de péché, renvoie à un mystère plus profond encore : celui de l’identité du Christ et de sa mission.

Il est effectivement le Roi de gloire qu’il est légitime d’acclamer par des « hosannas » enthousiastes. Mais ce Seigneur tout-puissant prend le chemin de l’abaissement : il va accepter l’humiliation, la défaite, le déferlement de violence et de haine.

Si, dans le premier Evangile, un âne le portait - comme les prophètes annonçaient le roi de paix qui viendrait, monté sur un âne - dans le deuxième Evangile, c’est lui qui porte : il porte la croix, il porte le péché du monde sur ses épaules.

Mais le renversement n’est qu’apparent : car c’est seulement parce qu’il est ce Roi de gloire devant lequel, de toute éternité, les anges se prosternent, qu’il peut être ce messie humilié capable de porter le péché du monde entier pour l’en libérer. Un homme, aussi saint soit-il, n’aurait pu que partager les souffrances des autres, mais pas toutes les porter pour les enfouir dans le tombeau. Seul le Dieu tout-puissant, fait chair, fait « Crucifié », pouvait tout porter pour tuer définitivement le mal et la mort par la puissance de l’Amour pur.

La foule versatile, qui passe du « hosanna » au « crucifie-le » témoigne ainsi, malgré elle, de ce mystère du Sauveur : vrai Dieu, qui doit recevoir l’honneur de nos « hosanna » ; mais Dieu Sauveur, devenu homme pour tout porter sur ses épaules charnelles et pour nous délivrer de tout mal.

Voilà le mystère que nous allons vivre tout au long de cette semaine. Plus exactement : nous sommes invités à le vivre, mais libres de décider comment nous allons nous y associer. Avec l’indifférence des passants, avec la compassion de Marie, avec l’infidélité de Pierre, avec la lâcheté de Pilate, avec le courage de Simon de Cyrène, avec les pleurs des femmes de Jérusalem ?

Quelle sera notre place au soir du dernier repas, quand le Christ sera en procès, sur son chemin de la croix, et devant le tombeau. Où serons-nous ? A quelle place, dans quelle disponibilité, pour vivre quel mystère ?

  


Ce dimanche des Rameaux pourrait apparaître comme le plus futile de l’année : on se contenterait de venir chercher quelques branchages au cas ça serait efficace contre les dangers de la vie. Mais c’est tout le contraire que la liturgie nous propose : en faire le dimanche qui nous confronte le plus au paradoxe, au mystère de notre vie faite d’espérance et de souffrances ; et au mystère du Christ, dont la puissance se révèle dans la faiblesse.

Si nous comptons simplement sur une petite branche pour soutenir notre existence, nous serons forcément, un jour ou l’autre, déçus par ce Dieu de superstition. Car il pourrait venir un jour où ce branchage, trop fragile, risque de plier et de rompre.

Mais si nous choisissons de nous accrocher au Dieu véritable, qui se révèle comme l’Arbre de Vie, transformant le bois inerte de la croix en arbre éternel dont les branches rejoignent le Ciel, alors le mystère de la passion pourra vraiment éclairer et transformer nos vies. Ce mystère nous rejoindra dans nos propres souffrances, et nous cesserons de soupçonner Dieu de nous les envoyer, pour L’accueillir comme notre Espérance qui vient nous en délivrer éternellement.

Nous comprendrons qu’il est devenu souffrance et mort pour que nous participions à son bonheur et à sa vie.

Amen.

 

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