"Avant ou après Pâques?", homélie du saint jour de Pâques

Publié le par Sanctuaire Notre-Dame du Laus (Hautes-Alpes)

Dimanche 24 avril 2011

Par le Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire

  

Pâques, c’est d’abord une pierre qui a été roulée, puisqu’il n’y a plus à marquer de frontière entre la tombe et la vie. Pâques, c’est un tombeau vide, où il n’y a plus de mort.

Puis, c’est une annonce : une annonce inquiète d’abord, celle d’une disparition ; avant de devenir une annonce fébrile, encore trop belle pour être véritablement accueillie : la disparition est en fait un passage ! Le mort n’est plus dans la mort ; on doit lui donner un autre nom : le Ressuscité.

Puis, Pâques, c’est une course : celle de Marie-Madeleine auprès des Apôtres, celle de Pierre et de Jean jusqu’au tombeau. Une course comme une urgence, comme s’il ne fallait plus tarder à se rendre compte que quelque chose avait vraiment changé ; comme si le deuil devait cesser maintenant, tout de suite, parce qu’il avait trop duré.

Mais cette course, c’est pour ne rien voir avec les  yeux de chair, si ce n’est un linceul qui ne couvre plus rien et un linge qui a été plié, comme rangé puisqu’il n’est plus utile. C’est tout.

C’est tout, mais c’est tellement plus : entrant dans le tombeau vide, Jean voit et il croit. De ses yeux, il ne voit qu’une absence ; mais son cœur et son intelligence, sa mémoire des paroles du Christ et de ses actes au dernier repas, lui font comprendre que cette absence est en fait un passage, une victoire ; LA victoire, la fin du grand drame de toute l’humanité. Pâques, c’est le tournant décisif de l’histoire humaine ; clairement, et définitivement, il y a un « avant » Pâques et un « après » Pâques.

* * *

Avant Pâques, la courte vie humaine se passait dans l’espoir de prospérité et d’un minimum de souffrances ; le plus important était d’avoir une descendance, qui pourrait perpétuer le nom, recevoir l’héritage, et en quelque sorte, continuer la vie de celui qui allait bientôt mourir. Mais après cette existence d’amours et de labeurs, plus rien, depuis que les portes originelles du Paradis s’étaient refermées devant la dramatique et mortifère défiance humaine à l’égard de son Créateur.

Avant Pâques, l’existence s’arrêtait net avec la mort, comme une échéance impitoyable, à laquelle il fallait penser le moins souvent possible pour ne pas rendre amers les joies du moment ni futiles les projets d’avenir.

Une échéance désolante, qui conduisait certains à se remplir l’esprit de divertissements, de drogues en tous genres et de plaisirs, comme pour oublier que tout allait s’arrêter un jour.

* * *

Puis, il y a « après Pâques » : désormais, le tombeau est vidée de la mort, la lourde porte qui le fermait a été roulée… et en français, on peut oser ce jeu de mot : Jésus a roulé la mort, il l’a bien eue !

Elle a cru qu’elle avait gagné quand le Fils de Dieu livrait son esprit sur la croix. Mais au matin de ce premier jour de la semaine, la mort est désarmée ; le Mal a perdu ce qui faisait sa victoire, il a été réduit au silence par la puissance de l’Amour pur de tout péché.

Alors oui, il y a bien un « après Pâques », qui est en fait une Pâque perpétuelle, un passage vers la vie sans cesse à accueillir.

Désormais, l’existence n’est plus limitée aux frontières des années vécues sur terre ; elle est ouverte vers l’éternité.

Désormais, nos désirs ne sont plus des recherches pathétiques pour fuir la réalité d’une vie qui ne mène qu’au néant ; ils deviennent un élan vers ce qui s’épanouira sans limites auprès de Dieu.

Désormais, nos relations ne sont plus des tentatives de naufragés pour se soutenir les uns les autres avant la grande disparition finale ; elles sont une préparation à la Communion du Ciel.

Désormais, nos actes ne sont plus des recherches égoïstes ou altruistes pour oublier que nous sommes mortels ; ils deviennent  porteurs de notre responsabilité pour accéder ou non au Paradis.

* * *

Il y a un « avant » et un « après » Pâques ; mais où vivons-nous, quand vivons-nous ? « Avant » ou « après » ? Notre baptême nous a fait vivre la Pâque, il nous a plongés dans la mort avec le Christ pour ressusciter avec Lui. Désormais, comme le vivront les petits Simon et Brune à l’issue de cette messe, nous sommes nés de l’eau et de l’Esprit-Saint, nés à la vie divine.

Mais la question reste présente en nous : où vivons-nous ? « Avant » ou « après » Pâques ? Plus exactement : « sans » ou « avec » Pâques ?

Saint Paul nous l’a bien dit dans la deuxième lecture : « vous êtes ressuscités avec le Christ ; recherchez les réalités d’en haut » (Col 3,1). Il dira aussi, dans la lettre aux Galates : « Si le Christ nous a libérés, c'est pour que nous soyons vraiment libres. Alors tenez bon, et ne reprenez pas les chaînes de votre ancien esclavage » (Gal 5,1). Et il dira encore, dans la première aux Corinthiens : « Ne le savez-vous pas ? Votre corps est le temple de l'Esprit Saint, qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu ; vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes, car le Seigneur a payé le prix de votre rachat » (1 Co 6,19-20). Tout de notre vie est concerné, tout est éclairé, transfiguré par la lumière de Pâques !

Il y a donc bien un « avant » et un « après » Pâques ; il y a bien en ce jour une grâce à accueillir et un choix à poser. La grâce, c’est celle de la victoire du Christ sur la mort et sur le mal : Il a payé cher le prix de notre rachat, et désormais nous Lui appartenons : nous sommes au Christ, nous sommes à la Vie, nous sommes propriétés de l’Amour.

Alors, vivons ce que nous sommes ; c’est le choix à poser. « Avant » ou « après » Pâques ? « Sans » ou « avec » Pâques ? Où choisissons-nous de vivre ? Quand choisissons-nous de vivre ?

Allons-nous revenir à une existence comme si elle ne durait que quelques années, ou sommes-nous orientés vers l’éternité promise ? En quoi la réalité pascale apporte une lumière radicalement nouvelle sur nos rapports aux autres, aux biens matériels, aux souffrances et aux projets ? « Avant » ou « avec » Pâques ?

* * *

Le Christ a fait ce passage, il a traversé la mort.

Par le baptême, la grâce nous a fait accomplir le même passage.

Par nos choix, nous pouvons décider  de vivre maintenant de l’autre côté de la mort ou de revenir à nos anciens esclavages.

Choisissons la vie, acceptons que Pâques change tout à nos existences, même si nous sommes incompris et moqués par ceux pour lesquels la vie ne dure que quelques années, fragiles et inquiètes.

N’ayons pas honte de la résurrection ! Nous avons une force, une liberté fabuleuse, une sérénité formidable devant la mort, car nous savons que nous sommes appelés à bien plus que nos seules années terrestres.

Evidemment, fuir la réalité présente pour nous consoler dans l’espérance de l’éternité, ce n’est pas répondre à l’appel du Christ : car c’est aujourd’hui, c’est maintenant le jour du Salut. C’est au présent que se joue notre participation, notre entrée dans la Vie !

C’est en nous ouvrant à la charité envers Dieu et envers les autres que nous manifestons réellement notre désir du Ciel ; car il ne s’agit pas seulement de croire à la vie éternelle : « j’aurais beau avoir la foi jusqu’à transporter les montagnes, dit Saint Paul, si je n’ai pas l’amour, cela ne sert à rien » (1 Co 13,2).

En ce jour de Pâques, c’est l’Amour qui l’a emporté.

Alors, comment voulons-nous vivre ? «Avant » ou « après » ; « sans » ou « avec » Pâques ? « En dehors » ou « dans » la source de l’Amour ? Qu’allons-nous faire de cette formidable nouvelle, inouïe et bouleversante, qui est chantée en ce matin, d’une extrémité du monde à l’autre ?

Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité. Alléluia. Amen.

 

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