"Cette nuit n'est pas comme les autres nuits", homélie de la veillée pascale

Publié le par Sanctuaire Notre-Dame du Laus (Hautes-Alpes)

 

Samedi 23 avril 2011

Par le Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire

  

 

« Cette nuit n’est pas comme les autres nuits », dit le patriarche aux enfants d’Israël, avant de leur raconter toutes les merveilles accomplies par Dieu au cours de l’histoire.

Cette nuit n’est pas comme les autres nuits, puisqu’elle fait mémoire de l’œuvre ininterrompue du Seigneur, depuis la création du monde jusqu’aux promesses portées par les prophètes ; depuis la sortie d’Egypte pour libérer de l’esclavage, jusqu’au don de la sagesse pour éclairer l’intelligence et le cœur.

Cette nuit n’est pas comme les autres nuits, car elle nous fait revivre toutes les nuits de l’histoire : la nuit des origines, avant que, de rien, jaillisse la puissance de la vie. La nuit de l’esclavage en Egypte, où, sans savoir comment, Moïse et le peuple espèrent la délivrance. La nuit des promesses faites par les prophètes : promesses lumineuses d’une alliance éternelle conclue par le Seigneur et d’une eau pure qui pourra laver de tout péché, mais promesses dans la nuit, dans l’attente qu’elles puissent se réaliser entièrement et définitivement.

Cette nuit n’est pas comme les autres nuits, car elle nous rappelle toutes les nuits de nos vies : en ayant suivi le Christ jeudi soir au jardin des Oliviers, vendredi sur le chemin de croix et toute cette journée dans le silence du tombeau, nous avons pu revivre avec Lui toutes les nuits de l’existence : nuits du deuil, de la souffrance, de la solitude ; nuits de l’incompréhension, du doute, des trahisons et des injustices.

Mais surtout, cette nuit n’est pas comme les autres nuits, car elle se lève sur un Jour qui n’aura pas de fin, un Jour qui ne sera pas suivi d’une autre nuit. Car, au cœur de l’obscurité, nous avons accueilli la lumière du Christ !

Le cierge pascal est planté là, comme vendredi était plantée la croix ; mais l’arbre de mort est devenu arbre de lumière ! De la nuit a jailli la clarté, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. Les cierges que nous avons élevés au ciel n’ont pu être étouffés par l’obscurité, qui semblait pourtant dominer à la nuit tombante ; c’est au contraire la lumière qui l’a emporté sur la nuit. Victoire !

* * *

Alors, puisque cette nuit ouvre au jour qui n’aura pas de fin - le jour d’éternité, le jour de la vie offerte à l’infini - il nous faut ce soir prendre le temps. Nous avons entendu de nombreuses lectures, pendant lesquelles certains parmi nous ont peut-être trouvé le temps long… c’est qu’on n’est plus vraiment habitué à écouter, et sans doute plus assez habitués non plus à nous souvenir pour rendre grâce.

Mais s’il y a bien une nuit où nous pouvons prendre notre temps pour le Seigneur, c’est ce soir. Alors, acceptons d’offrir ce temps, en nous libérant de notre désir de toute maîtriser ou de vouloir même être ailleurs, quand c’est ici que se joue l’essentiel.

Puisque cette nuit n’est pas comme les autres, nous avons longuement entendu la Parole de Dieu, non seulement pour nous souvenir, mais plus encore en mémorial, c’est-à-dire pour nous associer et revivre en nous toute l’histoire du salut : ainsi, avec le récit de la Création, nous nous sommes laissés, tout à l’heure, créer par Dieu, et il a vu que cela était bon.

Avec le peuple Hébreu guidé par Moïse, nous avons été sortis de l’esclavage pour nous rendre en terre promise ; et nous l’avons fait ensemble, comme un corps uni dans les épreuves et les libérations.

Avec les promesses des prophètes, nous avons été nourris d’une espérance que rien ne pourra nous ravir ; espérance d’une eau qui assouvit toutes nos soifs, comme l’attendait la Samaritaine. Espérance d’une lumière qui nous libèrerait de tout aveuglement, comme l’attendait l’aveugle-né. Espérance de la vie plus forte que la mort, comme l’attendaient les sœurs de Lazare : le Carême nous a préparés à cette nuit, il nous a fait désirer l’accomplissement des promesses.

 

Mais puisque cette nuit n’est pas comme les autres, nous n’y faisons pas seulement mémoire du passé, nous ne faisons même pas que revivre l’histoire de nos ancêtres : nous accueillons ce soir la lumière du Christ, victorieuse, puissante, bouleversante, déterminante pour toute notre vie.

Cette lumière, nous l’avons vue à l’œuvre dès les commencements : Lumière qui fait jaillir la vie du néant, Lumière née de la lumière, par qui tout a été fait.

Puis, nous l’avons vu prendre les traits du libérateur, venant sortir son peuple de l’esclavage et de la nuit ; en Moïse, nous avons reconnu le Christ nous libérant de toutes nos prisons : il a ouvert les eaux de la mort pour que nous puissions passer avec Lui ; puis Il a vaincu le mal en l’engloutissant dans les flots impétueux.

Avec les promesses portées par les prophètes, nous avons encore accueilli le Christ : il s’est révélé comme l’eau vive, qui se répand généreusement. Il s’est révélé comme la Sagesse qui éclaire les cœurs et fait la vérité sur tout notre être. Il s’est révélé comme la source qui nous désaltère sans jamais tarir.

Cette nuit, nous contemplons le Fils de Dieu à l’œuvre depuis les origines, mais qui aujourd’hui porte toute l’histoire à son accomplissement : créateur et recréateur, libérateur et pacificateur, chemin, vérité et vie, il est l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. En mourant, il a détruit la mort ; en ressuscitant, il nous a ramenés à l’existence.

* * *

Pour Théo particulièrement, cette nuit n’est vraiment pas comme les autres nuits.

Ce garçon de 10 ans, qui porte déjà le nom de Dieu, va porter dans quelques minutes celui du Christ : il va devenir chrétien ! Il va naître à la vie nouvelle et éternelle par le baptême.

Ainsi, en une fraction de secondes, Théo va revivre toute l’histoire du salut, de la création à la libération, d’une promesse d’eau qui purifie à celle des flots qui étouffent la mort et qui engloutissent le péché. Théo va renaître avec le Christ, il va passer la mer avec Lui, il va être désaltéré par Lui, il va être purifié du péché originel et de toutes souillures. Pour Théo, cette nuit est éternellement déterminante !

Et toi, Théo, voici plusieurs mois qu’avec ton catéchiste - notre ami et séminariste Eduardo – avec la communauté paroissiale de Chorges, et avec les pèlerins du Laus auprès desquels tu aimes, en compagnie de ta maman, venir si souvent prier ici, tu t’es préparé à ce grand passage.

Tu avais le vif désir de devenir chrétien, c’est-à-dire non pas d’avoir simplement un certificat prouvant que tu fais partie de la communauté chrétienne, mais de recevoir la grâce de vivre dans le Christ, comme le dit Saint Paul : « ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ».

Vivant tout bientôt en toi, Théo, vivant en nous tous, baptisés, le Christ est là pour agir, pour nous faire passer sans cesse de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière, afin de nous créer et recréer à chaque instant et de nous abreuver de l’eau qui assouvit toutes les soifs. Puis, viendra un jour où le Seigneur nous comblera éternellement, auprès de tous les saints du Ciel, si dans la vie présente nous laissons l’amour du Christ suffisamment nous habiter, par la grâce de l’Esprit-Saint.

Cette nuit n’est donc pas comme les autres nuits. Aucune nuit n’est désormais comme auparavant, depuis que le Christ a traversé la mort. Alors, cette nuit n’est pas faite pour dormir, elle est faite pour nous réjouir !

Nous réjouir avec Théo ; nous réjouir tous ensemble que Théo nous rejoigne dans cette grande communauté des disciples du Christ ; nous réjouir de la vie éternelle qui nous habite par le baptême ; nous réjouir de la victoire totale et définitive du Christ sur le mal et sur la mort ; nous réjouir de cette vie nouvelle, sans doute décalée et incomprise par le monde, mais dont Saint Paul nous a résumé, dans l’épitre aux Romains, la réalité essentielle et formidable : « pensez que vous êtes morts au péché, et vivants pour Dieu dans le Christ ». Morts à la mort pour vivre dans le Vivant ! Que la Lumière soit…et la Lumière fut, pour l’éternité.

Alléluia. Amen.

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