Solennité de l’Epiphanie, homélie du dimanche 2 janvier 2011

Publié le par Sanctuaire Notre-Dame du Laus (Hautes-Alpes)

L’OR, L’ENCENS ET LA MYRRHE

 

 

« Des mages venus d’Orient ». C’est tout ce que l’Evangile nous dévoile sur ces personnages hauts en couleur. Personne ne nous dit qu’ils s’appellent Gaspard, Melchior et Balthazar ;  rien ne nous invite à penser qu’ils sont rois, ni même qu’ils sont trois. C’est parce qu’ils ont apporté à l’enfant Messie l’or, l’encens et la myrrhe que l’on a déduit du nombre de ces présents qu’il y avait trois mages à la crèche - avant d’en ajouter un quatrième pour symboliser la venue de tous les continents connus à l’époque, venant s’incliner devant le Sauveur du monde.

 

Mais si l’Evangile préfère insister sur la nature de ces trois présents plutôt que sur l’identité et le nombre des mages, c’est certainement qu’à travers l’or, l’encens et la myrrhe, quelque chose d’essentiel nous est révélé sur l’identité du Christ et sur notre manière de l’adorer en vérité.

 

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L'or a toujours exercé sur les hommes une étrange fascination. Les Hébreux l’avaient fondu au désert, pour en faire un veau, une idole, quand Moïse tardait à redescendre de la montagne. Aujourd’hui, avec les mages, l’or retrouve sa juste destination : il est apporté au Christ, pour reconnaître en Lui seul le vrai Dieu.

 

En offrant cet or, les mages nous appellent, si l’on peut dire, à faire le bon investissement. On dit, en économie, que l’or reste une valeur-refuge par temps de crise. Quelles sont pour nous les « valeurs refuges », ces valeurs sûres qui ne risquent pas de décliner et qui méritent toute notre attention pour être préservées ?

 

On peut penser à la famille, en cette année qui lui est particulièrement consacrée ; ou encore à la solidarité, à la charité, à l’espérance, à la vérité. Mais la grande valeur refuge qui fonde et qui soutient toutes les autres, c’est Jésus-Christ Lui-même.

 

A Lui seul doit aller l’hommage de notre or. Dans le livre des psaumes, on entend ce constat : « les idoles des nations ? Or ou argent, ouvrages de mains humaines. Elles ont une bouche et ne parlent pas, des yeux et ne voient pas » (Psaume 115,4-5).

 

« Ouvrages de mains humaines » : telles sont les idoles devant lesquelles il peut nous arriver, plus ou moins consciemment, de nous prosterner. Mais à la suite des mages, nous pouvons garder à l’esprit, tout au long de l’année nouvelle, une claire distinction entre les ouvrages de mains humaines et l’œuvre de Dieu, pour ne jamais confondre les deux et ne pas nous fourvoyer : les idoles ne parlent pas, ne voient pas, n’entendent pas : seul le Seigneur parle, voit, entend et veille sur nous. Car aucun objet, fut-il en or massif, ne peut nous apporter l’amour et le salut dont Jésus-Christ nous comble dès maintenant et pour l’éternité.

 

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Avec l’or, les mages apportent la myrrhe. Etant utilisée à l’époque pour embaumer les corps, on a souvent considéré que ce présent était le signe du don que le Christ fera de sa vie, trente trois années plus tard. Cet embaumement ne pourra pourtant pas avoir lieu, en raison du sabbat ; et le troisième jour, il se révèlera inutile, car le Crucifié sera ressuscité.

 

Mais la myrrhe a aussi une autre signification : dans l’Ancien-Testament, elle n’est pas d’abord  mise en rapport avec la mort, mais avec l’amour de Dieu, puisqu’elle exprime la bonne odeur du Seigneur, qui nous entoure de sa tendresse. Le Cantique des Cantiques chante ainsi : « mon bien-aimé est un sachet de myrrhe qui repose sur mon cœur » (Ct 1,13).

 

Le Seigneur est-il, pour nous aussi, un sachet de myrrhe, doux et bienfaisant ? Ne gardons-nous pas encore trop l’image d’un Dieu dur et méprisant, alors-même que ce temps de Noël nous le révèle doux et humble, miséricordieux et tendre.

 

La myrrhe apportée par les mages dit la douceur de l’amour de Dieu, qui prend chair en Jésus-Christ. Comme un délicat sachet de myrrhe, le Seigneur vient reposer au milieu de nous dans la crèche ; il vient même reposer en nous par l’Eucharistie. Alors : « goûtez et voyez comme est bon le Seigneur ! » (Psaume 33,9). Auprès de Lui, nous trouvons un apaisement que rien d’autre, sur terre, ne peut nous apporter.

 

La myrrhe nous dit ainsi la douceur du Seigneur, un peu comme, en notre Sanctuaire, l’huile de la lampe du Tabernacle est accueillie telle une caresse divine quand nous l’appliquons sur nos membres meurtris.

 

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Avec l’or, signe de divinité, et la myrrhe, signe de douceur, les mages apportent également l’encens. A l’origine, l’encens était employé au Temple de Jérusalem, pour couvrir l’odeur des sacrifices d’animaux. Mais ainsi lié à l’offrande faite à Dieu, il est devenu un signe d’hommage au Seigneur, que le palmiste exprime par ces mots bien connus : « que ma prière devant toi, Seigneur, s’élève comme la fumée de cet encens, et mes mains comme l’offrande du soir » (Psaume 141,2). L’encens représente ainsi notre hommage et notre offrande, c’est-à-dire notre désir profond de remettre toute notre vie dans les mains du Seigneur.

 

Mais le fait que cette marque de respect et d’offrande soit offerte par la médiation d’une fumée n’est pas sans signification. Dans la liturgie de la messe (avec l’encensement de la croix, de l’Evangéliaire, des offrandes, de l’autel, du prêtre et de l’assemblée) nous assistons à un véritable échange amoureux : tandis que le Seigneur vient du Ciel sur la terre, notre prière monte de la terre jusqu’au Ciel, comme un échange de flux, comme un dialogue amoureux.

 

Par son parfum, l’encens nous rappelle aussi « la bonne odeur du Christ » (2 Cor 2,15), toujours présent au milieu de nous ; elle nous appelle, en retour, à lui donner notre vie en offrande d’agréable odeur, comme Saint Paul y exhorte les chrétiens d’Ephèse : « cherchez à imiter Dieu, et suivez la voie de l’amour, à l’exemple du Christ qui vous a aimés, s’offrant à Dieu en sacrifice d’agréable odeur » (Eph 5,1)

 

Composé de petits grains de résine qui viennent se fondre sur un charbon ardent pour produire une fumée de bonne odeur, l’encens représente notre vie de chrétiens : en venant nous consumer sur l’amour ardent du Christ, notre vie prend une bonne odeur qu’il lui serait impossible d’exhaler sans cette grâce divine.

 

Le grain d’encens laissé tout seul dans une boîte sent très peu ; plusieurs grains d’encens, rassemblés sur le charbon ardent de l’amour du Christ sentent bon et rendent visibles de loin leur fumée qui monte au ciel comme une offrande. C’est bien ce que nous vivons, dans l’assemblée réunie pour la messe : notre prière prend une valeur particulière quand elle est communautaire, même si nous avons l’impression que la présence des autres perturbe parfois notre concentration.

 


Mais encore, la fumée a la capacité à se glisser partout, même au-dessous d’une porte fermée. L’encens vient donc aussi dire que la bonne odeur de l’amour du Seigneur est capable de nous rejoindre jusqu’au-dessous de nos portes closes. Tout ce que, dans nos vies, nous ne voulons pas ou ne parvenons pas à ouvrir au Seigneur, c’est Lui qui le rejoint et l’envahit de l’odeur de son offrande.

 

Et quand l’office est terminé, il reste dans l’église quelque chose de la fumée de l’encens, qui plane encore longtemps dans les hauteurs de l’édifice, comme pour nous dire que la fin n’est pas la fin : notre prière n’est jamais achevée, elle prend seulement une autre forme quand nous quittons l’église, la forme d’une charité sans laquelle la dévotion n’est au mieux qu’une illusion, au pire un mensonge.

 

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L’or, l’encens et la myrrhe : signes de la divinité, de la douceur et de l’offrande du Christ. Ces trois présents nous appellent à nous demander ce que nous pouvons, à notre tour, offrir au Seigneur en nous présentant devant Lui avec les mages. Qu’allons-nous donner de nous-mêmes au Christ en cette année qui commence ? Qu’allons-nous accepter de lui abandonner, dans la conviction que seul ce qui n’est pas donné est perdu ?

 

Osons, comme les mages, tout déposer aux pieds du Roi du monde. Alors, nous repartirons comme eux par d’autres chemins, sans nous rendre complices des forces du mal.

 

Bouleversés par leur rencontre avec le Messie et prévenus par le Ciel, les mages n’ont pas obéi à Hérode ; de la même manière, notre participation à la messe nous fait rencontrer le Seigneur et sa Parole nous prévient. N’obéissons donc pas aux puissances du mal et rentrons par un autre chemin, une fois que nous aurons rendu au Christ l’hommage véritable qui lui est dû, Lui qui seul mérite d’être adoré.

 

Amen.

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