Homélie du dimanche 17 octobre 2010

Publié le par Sanctuaire de Notre-Dame du Laus

29ème dimanche du temps ordinaire C

 

Par le père Ludovic Frère, recteur

 

 « Jésus dit une parabole pour montrer qu’il faut toujours prier sans se décourager » : en commençant ainsi, l’Evangile d’aujourd’hui nous dit déjà deux réalités essentielles sur la prière :

 

-         nous ne devons pas nous décourager de prier ;

-         et il « faut » prier : c’est un impératif qui s’impose à tout notre être.

 

Cette introduction pointe du doigt, en fait, les deux grandes difficultés de la prière :

 

-         première difficulté : le risque de découragement quand il nous semble que ça ne marche pas, soit parce que Dieu, selon nous, n’exauce pas ; soit parce que nous ne parvenons pas à nous concentrer dans la prière… Alors, nous pouvons nous décourager.

 

-         deuxième difficulté : nous convaincre de la nécessité de la prière. Nous avons souvent du mal à en faire une priorité, quand mille autres préoccupations nous assaillent. Nous nous dispensons peut-être plus facilement d’un temps de prière que d’un repas ou d’un moment pour nous habiller le matin. Or, si la prière était pour nous vraiment vitale, nous arriverions, quoi qu’il en soit, à prendre du temps pour elle !

 

Alors, en ce dimanche où la prière nous est rappelée comme essentielle, contemplons notre Maître de prière qu’est le Christ.

 

Dans les Evangiles, nous le voyons souvent en prière, longtemps en prière. Il nous rend complices de sa prière de louange, quand il exulte : « Père, je te  rends grâce ; ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » (Matthieu 11,25). Nous le voyons prier en toute confiance devant le corps décomposé de son ami Lazare : « Père Saint, je sais que tu m’écoutes toujours » (Jean 11,46). Nous le voyons prier toute la nuit avant de prendre de grandes décisions, depuis le choix des douze apôtres, jusqu’à l’acceptation libre de la Passion, au jardin de Gethsémani.   

Nous voyons encore le Christ prier en s’unissant aux cris de la souffrance du monde, quand il lance, sur la croix : « mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 15,35).

                                          

 

Nous cherchons souvent comment bien prier, mieux prier, être moins distraits, savoir offrir davantage de temps au Seigneur, trouver les modalités d’une prière qui nous porte…. Nous cherchons beaucoup !... Et si nous contemplions davantage le Christ, notre Maître de vie spirituelle ? C’est dans la prière que Celui qui est le Fils de Dieu de toute éternité a trouvé la force de résister aux tentations, l’humilité de ne pas s’enorgueillir de ses succès et l’apaisement dans les épreuves qu’il a rencontrées.

 

Si le Fils de Dieu a eu besoin de prier, comment pouvons penser un seul instant que nous, nous pourrions nous en dispenser ?

 

A la suite du Christ, tous ceux qui ont fait de la prière la respiration de leur âme ont pu puiser en Lui cette force, que Saint Grégoire de Nysse définissait ainsi, au 4ème siècle : « la prière préserve la tempérance, elle maîtrise la colère, abat l’orgueil, extirpe la rancune (…). La prière est le sceau de la fidélité du mariage, elle est le bouclier des voyageurs, la garde de ceux qui dorment, la confiance de ceux qui veillent ».

 

Cette force de la prière habitait aussi profondément notre Benoîte. Elle y a puisé une préparation indispensable aux événements grandioses qu’elle a vécus, une consolation dans ses épreuves et une joie profonde, que rien n’a pu lui ravir.

 

Le Seigneur Jésus, les Saints, les Pères de l’Eglise, Benoîte Rencurel et bien d’autres nous montrent ainsi ce qu’est la prière véritable : non pas une sorte de marchandage avec Dieu, mais une vie en Dieu.

 

Et c’est pourquoi il nous faut reconnaître que la prière est toujours efficace, en tant qu’elle nous unit toujours plus au Seigneur.

 

C’est ce que le Christ nous promet aujourd’hui, sans aucune hésitation, lorsqu’il pose la question et qu’il y répond Lui-même : « Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus qui crient vers lui nuit et jour ? Amen, je vous le déclare, sans tarder, il leur fera justice ».

 

Alors que nous avons certainement tous pu faire l’expérience de prières apparemment non-exaucés, Jésus nous promet : « amen, je vous le déclarer, sans tarder, il leur fera justice ».

 

Croyons-nous à cette promesse ? Y croyons-nous, même dans l’aridité de nos déserts spirituels et des épreuves qui nous déstabilisent ? Y croyons-nous ? L’efficacité de nos prières… Y croyons-nous vraiment ?

 

Jésus termine ainsi son enseignement sur la prière : « quand le fils de l’Homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » Trouvera-t-il encore des croyants convaincus de ses promesses ? Trouvera-t-il des croyants en l’efficacité de la prière ?

Ou n’y aura-t-il que des déçus de Dieu, l’ayant laissé tomber parce qu’Il n’aurait pas été à la hauteur, Il n’aurait pas exaucé, Il serait resté sourd à nos demandes, nous faisant par-là même douter de son existence ?

 

Quand Jésus reviendra, y aura-t-il encore des gens en prière ? Y aura-t-il quelqu’un pour l’attendre ?

 

Ces questions nous ouvrent à une autre dimension de notre prière : il s’agit d’accepter – et ce n’est pas facile – que nous n’avons aucune prise et aucun droit sur l’exaucement de nos prières, mais que nous avons le devoir de rester en état de veille.

 

Oui, la prière doit nous maintenir éveillés, attentifs aux besoins des autres – et c’est sans doute l’un des aspects les plus importants de la Mission dont nous célébrons aujourd’hui la dimension universelle.

 

En nous maintenant éveillés, la prière est ainsi un avant-goût offert à nos âmes de ce dont elles pourront bénéficier éternellement.

 

Peut-être est-ce même la plus belle définition de la prière, et son rôle le plus essentiel : nous faire veiller l’éternité.

 

La prière est, avec l’exercice de la charité, la meilleure préparation de nos âmes à la vie éternelle.

 

Comme notre œil a besoin de se préparer le matin à la lumière trop vive du soleil, notre âme a besoin de s’habituer à vivre en Dieu ; et cette habitude, elle la prend dans la prière et dans la charité, les deux étant absolument indissociables, comme les deux faces d’une même feuille : prière et charité.

 

Nous avons peut-être à redécouvrir ou à développer cette manière-là de prier et d’aimer : en reconnaissant qu’il s’agit d’habituer notre âme à fréquenter son Créateur et Sauveur, à vivre en sa présence, à le laisser nous illuminer, même si nous ressentons rien.

 

Seule cette disposition intérieure nous permet de sortir de l’apparent paradoxe de l’enseignement du Christ sur la prière.

 

Car, d’un côté, il semble nous demander d’oser presque exaspérer Dieu par nos prières incessantes, en nous présentant cette veuve qui va recevoir gain de cause : « pour qu’elle ne vienne plus sans cesse me casser la tête », dit le juge de la parabole. Alors, cassons la tête de Dieu par le flot de nos prières, puisque ça semble efficace !

 

Mais d’un autre côté, Jésus enseigne, en introduction au Notre Père : « lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s'imaginent qu'à force de paroles, ils seront exaucés. Ne les imitez donc pas »  (Mt 6,7).

 

Alors que faire ? Casser la tête de Dieu par nos prières renouvelées encore et encore ? Ou ne pas rabâcher, car, de toute façon, le Seigneur « sait de quoi vous avez besoin avant même que vous l'ayez demandé » (Mt 6,8) ?

 

C’est seulement, me semble-t-il, en percevant la prière comme une mise en disponibilité de nos âmes pour que le Seigneur puisse les travailler, que nous pouvons comprendre la parabole de ce jour.

 

Jésus n’y compare pas le Père à un juge qui nous exaucerait pour avoir enfin la paix ; dans toute parabole, les figures doivent être élevées et purifiées pour nous faire percevoir l’attitude de Dieu à notre égard.

 

Ainsi, le Christ dira-t-il : « vous qui êtes mauvais, vous donnez de bonnes choses à vos enfants ; combien plus Dieu, qui est bon, donnera-t-il l’Esprit-Saint à ceux qui le lui demandent ».

 

De même, dans la parabole d’aujourd’hui : si ce juge, qui est mauvais, exauce la veuve qui le supplie, combien plus Dieu, qui est bon, nous exauce-t-il de manière certaine -  quoique parfois mystérieuse pour nous - quand nous le lui demandons.

 

Le cœur de cette parabole consiste donc à nous révéler que Dieu est infiniment juste, d’une justice qui est forcément bienveillante, à l’écoute des besoins de ses enfants. De cela, nous n’avons pas le droit de douter !

 

Mais justement, la foi que Jésus craint de ne pas trouver lorsqu’il reviendra, c’est la foi en cette bienveillance infinie de Dieu ; la foi que le Seigneur nous aime et donc qu’il ne nous laisse jamais tomber… JAMAIS !

Alors, soyons persévérants comme la veuve : ne nous lassons pas de prier, de supplier, d’être avec le Seigneur, de lui lâcher un peu de notre temps que nous pensons si précieux…

 

Soyons persévérants ! Mais, puisque Dieu n’est pas un juge sans justice, ne soyons pas bornés dans nos prières : soyons convaincus que le Seigneur nous a déjà exaucés avant nos premières paroles : « Votre Père céleste sait ce dont vous avez besoin, dit Jésus, avant même que vous l’ayez demandé.»

 

Quand le Christ reviendra, trouvera-t-il encore la foi sur terre ?

 

Trouvera-t-il des priants convaincus d’être déjà exaucés… Et ferons-nous partie de ces veilleurs ?

 

Amen.

 

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