Fête de la Sainte Famille (26 décembre 2010), homélie

Publié le par Sanctuaire Notre-Dame du Laus (Hautes-Alpes)

Ouverture de l’année de la famille sur le sanctuaire Notre-Dame du Laus

Homélie du Père Ludovic Frère, recteur du sanctuaire

 

 

C’est peut-être parce que Dieu a choisi, en Jésus-Christ, de prendre part à la vie d’une famille humaine, que Noël est devenue la fête des familles par excellence.

 

La solidarité que le Fils de Dieu a voulu vivre avec nous s’est particulièrement manifestée dans les trois années de son ministère public, et bien sûr de manière ultime dans sa Passion et sa Résurrection. Mais le Fils de Dieu n’a pas pris chair à 30 ans ; il a d’abord vécu trois décennies d’une vie cachée, une vie familiale avec Marie et Joseph.

 

De cette vie, on sait, en fait, très peu de choses, à part la naissance à Bethléem, la présentation au temple et la fuite en Egypte qui nous est rappelée aujourd’hui ; à part encore le court épisode de Jésus perdu au temple à l’âge de douze ans. Mais, pour le reste, nous ne savons rien de l’enfance, de l’adolescence et de la vie familiale que le Christ a vécues à Nazareth.

 

Si les Evangile se sont tus, c’est bien sûr parce que le cœur de leur message, c’est la mort et la résurrection du Christ ; mais il n’est pas interdit de voir aussi dans ce silence l’occasion de nous laisser nous représenter ce que le Christ a pu vivre pendant ses trente premières années, en nous appuyant sur nos propres expériences de la vie de famille.

 

Et nous pouvons alors découvrir que, dans tous les gestes simples que l’enfant Jésus, que l’adolescent Jésus, que le jeune adulte Jésus a posés, il sauvait le monde. Avant même la croix et comme un prélude à celle-ci, le Christ commençait déjà à nous sauver en habitant l’ordinaire de nos vies.

 

Car tous les moments du quotidien ont été sanctifiés quand le Fils de Dieu les a vécus : premières dents, premiers pas et premiers mots ; éducation et croissance ; gestes quotidiens du lavage, du repas, du coucher, des jeux et des travaux…tout a été sanctifié par le Christ Sauveur et tout ce qui fait notre humanité porte désormais la marque indélébile de son passage parmi nous.

 

La « terre Sainte » que le Christ a foulée, ce n’est donc pas seulement  la terre de Palestine. C’est aussi notre vie quotidienne, avec ses pesanteurs et ses joies qui est devenue une « terre sainte ».

 

Ce qui est vrai des gestes quotidiens du Christ l’est à plus forte raison encore de ses relations : en jouant avec ses voisins de Nazareth, en tissant des liens d’amitié, en posant des regards d’amour, le Christ a sanctifié nos relations humaines. Il en fait des « terres saintes ».

 

Et parmi ces relations sanctifiées, la première et la plus grande, c’est sans doute la vie de famille. La  famille comme lieu de réconfort, de croissance et de soutien mutuel ; la  famille dans tout ce qu’elle porte aussi de confrontation avec l’altérité, avec l’autorité, avec les différences… toute la vie familiale a été sanctifiée par le Christ qui l’a vécue dans une communion d’amour avec Marie et Joseph. La famille est ainsi devenue une « terre sainte ».

 

Oui, nos familles sont des terres saintes ! En naissant dans une famille humaine, le Christ a apporté sa lumière divine à nos vies familiales. Ce n’est peut-être pas toujours facile à voir ; et c’est pourquoi nous avons certainement un acte de foi à poser : nos familles sont des lieux saints, nous le croyons, puisque le Christ est venu tout sauver.

 

Même si nous voyons notre propre vie familiale comme un échec ou un lieu de terribles épreuves, nous sommes appelés à accueillir ce mystère : en venant parmi nous, le Verbe a nécessairement tout sanctifié. Nos vies familiales sont donc porteuses du Christ, dans les joies comme dans les plus grandes souffrances.

 

Alors, quand l’impatience ou l’irritation nous font manquer des relations familiales vraies, rappelons-nous que le Christ a vécu une vie familiale sans taches, qui nous aide à purifier la nôtre et à la rendre toujours meilleure.

 

Quand nos familles ont été abimées par des trahisons ou de profondes mésententes, rappelons-nous que le Christ est venu guérir ce qui était malade.

 

Quand le deuil ou les séparations de tous ordres ont blessé nos familles, mettons notre foi dans l’assurance que le Christ a tout sauvé pour tout porter à un accomplissement, dont nous ne pouvons pas encore percevoir toute la grandeur.

 

Quand la joie et le réconfort nous sont offerts dans le cercle de famille, sachons y reconnaître le Christ Sauveur, qui nous donne l’Esprit d’unité, de joie et de paix ; et n’oublions pas de rendre grâce.

 

 

Pour soutenir cet acte de foi en la sanctification de nos vies familiales, la liturgie vient de nous offrir de magnifiques lectures : le Sage Ben Sirac nous a rappelé que la famille est fondée - comme toute relation d’amour - sur la miséricorde, c’est-à-dire sur la capacité à pardonner et à accepter que les autres ne soient pas toujours comme je voudrais qu’ils soient.

Mais le Sage va plus loin encore : en reliant les relations humaines au pardon des péchés -  prérogative appartenant à Dieu seul – il nous invite à découvrir que la justesse de notre relation à nos proches est dans l’imitation de l’agir de Dieu : sommes-nous pour les autres le Christ miséricordieux, même dans le cadre familial ?

 

Voilà une mission essentielle que le Seigneur confie aux parents quand il les rend responsables d’une vie : à travers leurs paroles et leurs actes, ils sont appelés à refléter l’agir du Christ.

 

Dans la deuxième lecture, saint Paul pousse plus loin encore la mise en situation : il convient, particulièrement, entre membres d’une même famille, de se supporter les uns les autres. « Se supporter » dans tous les sens du terme : c'est-à-dire accepter nos différences d’une part, mais aussi nous encourager, comme des supporters, pour que nous puissions grandir les uns par les autres.

 

« Se supporter », c’est faire preuve « d’humilité, de douceur, de patience », nous dit encore Saint Paul, en prenant comme référence non pas nos humeurs du moment, mais le Christ :  « agissez comme le Seigneur : il vous a pardonnés, faites de même ». Notre attitude à l’égard des autres, d’abord dans le cadre familial, est donc un « rendre grâce », une manière de rendre au Seigneur, par les autres, ce que nous avons reçu de lui gratuitement.

 

Nous le voyons donc bien : la lumière plus forte que les ténèbres, que nous avons accueillie hier en célébrant Noël, cette lumière illumine nos vies familiales, quelles que soient leurs difficultés et même leurs échecs. Ce qui est vécu, ce qui a été vécu, n’est  jamais perdu. Le Christ est venu tout sauver, éternellement.

 

Que la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph nous aide à croire en la famille, à aimer les familles même si notre propre expérience ne nous y encourage guère, à protéger la famille contre tous les dangers de la dénaturer au nom d’une éthique fallacieuse. Nos familles sont des terres saintes, des sanctuaires, des trésors à protéger, des lieux de grâce à contempler.

 

Amen.

 

 

 

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