L'aveugle-né

Publié le

Dimanche 2 mars 2008
Jn. 09, 01-41
 
 
Un aveugle accusé d’être d’abord un pécheur, par les disciples eux-mêmes, par les pharisiens. Nous savons tous que Jésus a guéri cet aveugle pour nous dire que les hommes sont tous des aveugles de naissance, mais des aveugles sur quoi ? Comment cela ? Et comment le Christ nous guérit ?

Ce récit peut être compris comme une initiation pour cet homme qui naît aveugle, qui devient physiquement voyant mais qui « voit » vraiment seulement quand Jésus revient lui parler. Au tout début de la rencontre entre cet aveugle et Jésus, les disciples s’interrogent sur la cause de cette infirmité. « Est-ce lui qui a péché ou bien ses parents ? » La réponse de Jésus surprend car il explique que cette maladie ne vient pas de son péché ni de celui de ses parents, mais elle est là pour manifester les œuvres de Dieu ? Ne sommes-nous pas en plein mystère ?

Précisément, parlons du mystère de Dieu et de la vie de l’homme : le mystère contenu
dans le baptême. L’intervention de Jésus a lieu sans que le mendiant ait à lui demander de retrouver la vue. Jésus crache à terre, fait de la boue avec la salive et bouche les orbites de cet aveugle puis il l’envoie vers une piscine dont le nom est Siloé signifiant « envoyé ». Le geste est précis. Jésus rend « aveugle » au moyen de la boue cet homme déjà aveugle et il lui propose de se laver les yeux. Dès les premiers siècles, les Pères de l’Eglise, percevaient déjà dans ce geste de Jésus, une invitation à revenir vers l’origine de la vie, à la Création. Toute la signification de ce mystère se trouve présente dans ce geste de Jésus. Il invite cet homme à découvrir en lui la lumière du Christ, la lumière vraie et pure qui l’engendre à une vie éternelle.

Cet homme ensuite vivra un parcours difficile pour se faire reconnaître guéri et voyant par son entourage, par l’institution ou pire encore par sa propre famille. Lui-même est amené à se demander qui est celui qui a pu transformer chez lui un état qu’il avait depuis toujours assumé comme définitif puisque tel depuis sa naissance. Comme chacun de nous, cet homme ne connaît pas ce qu’il ne voit pas. Pour ses opposants, il ne peut pas avoir été guéri par un homme parce que tout homme est pécheur. Les opposants, hommes des lois, soupçonnent cet aveugle d’avoir un jumeau. La famille de l’ancien aveugle ne peut s’engager sur une transformation d’un fils dont elle ne comprend pas comment elle a pu être réalisée. L’aveugle devenu voyant tente d’expliquer devant les juges ce qui lui est arrivé. Il ne parvient qu’à raconter les faits tels qu’ils se sont déroulés pour lui : « Il m’a mis de la boue sur les yeux, et je me suis lavé et je vois » Cet ancien aveugle cherche lui-même une explication. Il comprend par la connaissance de sa foi juive que celui qui l’a guéri est un envoyé de Dieu. Mais jamais un prophète n’est parvenu jusqu’ici à guérir un aveugle-né. Donc cet homme serait plus qu’un prophète ! Il est sur un chemin qui l’écarte peu à peu de ses proches et des gens de sa culture juive. Il est contraint de chercher hors de ses repères celui qui l’a ainsi guéri tandis que les juges l’enferment dans leurs repères, celles de la loi ou de la morale : « Toi, tu es né tout entier dans le péché et tu nous fais la leçon ?» Les hommes veulent un monde parfait, répétant les lois et excluant ceux qui les enfreignent. Il est exclu de la synagogue et c’est alors que Jésus le retrouve : « Crois-tu au Fils de l’homme ? » La vraie rencontre a lieu. Deux hommes se disent la vérité qu’ils portent en commun. Ils sont des fils de Dieu.

La guérison a lieu pour ça. Et la maladie de cet aveugle a permis à Jésus de dire enfin ce qui est le plus important. Plutôt que les hommes se jugent à partir de leurs différences de toutes sortes : riches, pauvres, bons, mauvais, fort ou faibles… Jésus vient dans ce monde pour dévoiler à chaque homme qu’il devient le frère du Fils de Dieu, parce que Dieu a donné à l’homme une place particulière dans son cœur. Et c’est ce qui se voit le moins entre nous, notre avenir dans le cœur de Dieu. C’est la grâce du baptême auquel se préparent Karine et Julien. Nous naissons des hommes ou des femmes mais quelque chose de nouveau se réalise en chacun par le don de Dieu, nous devenons ses fils : voilà la gloire de Dieu. Aveugle de naissance, il avait besoin d’être rendu aveugle par Jésus pour qu’il vérifie qu’une vie idéale, sans conflits, sans péché, sans mal, un monde parfait n’existent pas : c’est bouché de ce côté des choses. Sa condition joyeuse de Fils de Dieu est ouverte devant lui. Sa vie se poursuit mais il voit ce qu’il y a à voir. C’est pourquoi Jésus conclut en nous parlant, à nous aujourd’hui comme à ceux d’hier et sûrement à ceux de demain : « Je suis venu en ce monde pour une remise en question, pour que ceux qui ne voient pas puissent voir et que ceux qui voient deviennent aveugles. » Voilà ce à quoi ouvre le sacrement du baptême, de notre baptême. Si nous l’avons perdu, appelons à nous le Christ, et retrouvons ce chemin vers un lien nouveau, le lien de tendresse avec le Père, le Fils et l’Esprit Saint.

P. Bertrand Gournay
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